Documentaire, Une vie, une oeuvre

Marina Abramovic, The Artist is Present (2012)

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« C’est dur de faire quelque chose de proche du néant » Marina Abramović

 

Depuis le début de sa carrière à Belgrade dans les années 70, Marina Abramović s’est imposée comme une pionnière et l’une des références du Body Art (1). Connue pour ses mises en scène convoquant fréquemment la nudité et la privation comme modes d’expression corporelle dans lesquelles le corps est à la fois son sujet et son instrument, elle est l’une des rares artistes de sa génération à être encore active dans ce domaine.

Ses performances parfois extrêmes, documentées par des photographies en noir et blanc commentées, sont restées uniques. Dès 1973, date de ses premières expérimentations sur son propre corps souvent mis à nu, Marina Abramovic pousse aux extrêmes les limites de la relation qu’elle élabore avec le public. Dans le cadre de Rythms, une série de performances réalisées de 1973 à 1975, un des spectateurs lui sauvera même la vie. Allongée nue, au milieu d’une étoile tracée au sol et enflammée, la jeune femme avait en effet perdu connaissance, intoxiquée par la fumée.

Dans Rythm 0, elle avait laissé le public sans directives précises avec 72 objets à sa disposition (crayon, hache, ciseaux, etc.) et elle-même, nue. La performance fut interrompue lorsqu’elle se retrouva avec un pistolet chargé dans la bouche.

En 1975, dans Art must be beautiful, elle se filme, torse nu, brossant ses cheveux longs avec de plus en plus de violence, en répétant la phrase du titre pendant près de quinze minutes. Le visionnage de cette vidéo qui souligne la concentration de l’artiste, son pouvoir d’abnégation, reste une véritable épreuve pour le spectateur. 

Cette même année, Marina Abramovic rencontre le Hollandais Ulay avec qui elle réalisera toutes ses performances jusqu’en 1988. Désormais, celles-ci explorent la question du double et de l’altérité, mais également les positions du féminisme envers l’égalité entre les sexes.

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Marina Abramovic et Ulay, AAA-AAA (performance RTB, Liège) 1977

 

Le documentaire Marina Abramović: The Artist is Present nous plonge dans le monde de l’artiste, la suivant alors qu’elle prépare ce qui est certainement le moment le plus important de sa carrière : une rétrospective majeure de son œuvre, qui s’est tenue de mars à mai 2010 au MoMA de New York. Elle occupait plusieurs étages, la plupart dédiés aux premiers chapitres de la carrière de l’artiste.

Mais l’événement de cette rétrospective était la nouvelle performance de l’artiste : deux chaises face à face, l’une accueillant l’artiste, l’autre le public se relayant, pour un échange, les yeux dans les yeux, en silence.

Durant les trois mois de l’exposition, le film suit Marina, jour après jour, restée quotidiennement assise sept heures et demi sans manger, boire, ou se lever, un exploit d’endurance mentale et physique ; un défi, même, pour une habituée de ce type de performances.

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L’expérience se révèle un surprenant facteur de rassemblement social, brassant des personnes de tous âges, de toutes origines, de toutes catégories. Conséquence du « dialogue direct des énergies » entre Marina Abramović et le public, l’émotion devient palpable : certains fondent en larmes, d’autres s’illuminent de sourires.

 

Un moment est particulièrement émouvant, lorsque Ulay , ex compagnon de l’artiste, s’assoit en face d’elle… Il est venu par surprise, sans prévenir l’artiste qui ne pouvait soupçonner quoi que ce soit : la dernière fois que l’un et l’autre s’étaient vus, c’était trente ans plus tôt, le jour de leur séparation, sur la muraille de Chine !

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En tout, près de 750 000 personnes ont assisté à la performance…

 

(1) L’expression body art réunit des artistes qui travaillent ou on travaillé avec le langage ducorps afin de mieux interroger les déterminismes collectifs, le poids des rituels sociaux ou encore les codes d’une morale familiale et religieuse. Durant la période fondatrice, comprise entre le début des années 1960 et la fin des années 1970, le corps apparaît fréquemment comme le vecteur de la contrainte et de la rébellion. Les expériences exécutées directement sur lui expriment les remises en cause des idées préconçues sur nos manières d’être.

 

 

Date de sortie : 12 décembre 2012 (France)
Documentaire réalisé par Matthew Akers
Durée : 1h 46m
Bande-annonce

 

A lire :

Bénédicte RAMADE, « ABRAMOVIC MARINA (1946- ) ». In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 15 septembre 2016. Disponible sur http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/marina-abramovic/

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